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La Vie à 6
30 mars 2013

Tout ce que je n'écris pas

Petit à petit, l'envie s'était éteinte.

En septembre, un dernier billet, et quelques autres qui sont restés à l'état de brouillon. Il était question des petites filles qui ont égayé notre été, d'Oscar qui avait 5 ans. C'était en juillet. 

Les mots se sont perdus, pas assez forts, pas assez justes. 

Marc a pris le relais. N'est-ce pas ce qu'il fait toujours ? 
Du rugby, des petits garçons qui deviennent grands, un carnaval. Des petites tranches de vie. 

Une petite partie, mais ô combien importante, de ce qui fait notre vie ces temps-ci.
A cette petite fenêtre qui s'ouvre par intermittence sur notre famille, il manque la trace de bien des joies. Et quelques peines aussi.

# J'ai repris le travail à l'automne. De la Puisaye où j'aurais passé quatre mois, je retiendrais l'accueil d'Armelle, et son joli sourire, le café du matin, pris sur le pas de la porte pendant sa pause cigarette. Je pense à Armelle en fin de journée, quand je fais le vide sur mon bureau sénonais, soufflant comme elle le faisait les quelques miettes qui le parsèment. Aux premiers jours de 2013 j'ai rejoint - enfin - l'équipe de Sens. Plus près de chez moi. Moins de pression. Et tirant les leçons du passé, je me ménage. 

# Nos enfants, comme tous les autres, grandissent. Chaque jour en porte témoignage.

♥ L'aîné caracole, sans coup férir, en tête de classe. Le bac à la fin de l'année. Déjà inscrit en BTS. Théo revient de trois semaines de stage en Italie. Toujours aussi sûr de lui. Il trace sa route, quitte à bousculer, un peu, beaucoup, ceux qui se trouvent sur son chemin. Il me vient parfois l'envie de l'empoigner, de lui dire de nous épargner. Il peut être dur, parfois, dans ses emportements. Ses mots claquent, je le vois prendre du recul, s'enfermer dans une colère, une révolte, une indignation. Puis le soufflé retombe et je retrouve l'enfant tendre qu'il n'a jamais cessé d'être. Ses blessures sont à vif, un rien les réveille. Mon agacement s'estompe. Je sais ses souffrance et le poids de l'absence. Je le vois porter une peine trop lourde pour lui, faire celui que rien n'atteint quand son coeur saigne. Il panse ses plaies loin des regards, échoue souvent à juguler ses emportements. Toujours, pourtant, il revient, apaisé. La tempête est passée. Je le vois partager un jeu avec ses frères, échanger avec sa soeur d'égal à égale. Complices. Mon coeur de mère s'emplit de paix.

♥ Salomé, ma tendre, ma vive, ma câline, ma fille. Si différente de celle que j'étais au même âge. Tellement mieux, en fait. La petite fille distraite, toujours un peu décalée, s'en est allée, discrètement. Quand a-t-elle cessé d'évoluer dans un monde parallèle au nôtre ? Quand est-elle devenue cette jeune femme piquante, grave et légère (oui, on peut être à la fois grave et légère, quand on est Salomé), parfois tendre et rêveuse, joyeuse, romantique, puis mélancolique, et farceuse la seconde d'après. Un diamant aux 1000 facettes. A quel moment as-tu, ma fille, cessé d'être cette petite fille qu'on habillait de rose et de vert, qui boudait son assiette et pouvait s'enfermer dans un silence songeur pour en sortir sur un éclat de rire ? Je te vois surmonter les épreuves, et grandir. Changer, sans pour autant cesser d'être toi. C'est juste magique. On ne t'emmène pas là où tu ne veux pas aller. Mon coeur de mère s'emplit de rêve.

♥ Longtemps je l'ai pensé plus fragile que ses aînés. La joie de sa naissance avait été ternie, délavée par ces heures de séparation et d'inquiétude, ces premiers instants volés par l'urgence, la médicalisation. Pendant qu'il luttait pour respirer, vider ses minuscules poumons emplis d'eau, je me noyais du manque de sa peau, de son petit corps emprisonné de sondes, capteurs, perfusions. Ces quelques heures ont pesé éternité. Je ne me suis pas nourrie de son odeur de nouveau-né, de son premier regard. Romeo s'est tourné vers son papa. Obstinément. Durablement. Petit à petit, nous nous sommes apprivoisés. Urgences pédiatriques, une fois, deux fois, plein de fois. Asthme. Allergies. Rien n'a été épargné à notre petit bonhomme. Si fin, si frêle. Fragile ? Pas tant que ça. En lui brille la flamme du courage, de l'obstination. Il s'accroche, ne cède pas un pouce de terrain. Aucun combat n'est perdu d'avance. Ecole, piano, rugby, et même jeux vidéos, partout il brille. Comme étonné de nous voir nous en émouvoir. Mon coeur de mère s'emplit de fierté.

♥ L'été dernier j'avais commencé un message pour les cinq ans d'Oscar. Jamais terminé tant les mots me manquaient. Il disait : Autant d'années que de lettres à ton prénom. Autant d'années que tu peux en compter sur les doigts d'une de tes petites mains. Ces 5 petites années qui se sont écoulées depuis ta naissance, ces 5 petites années qui ont changé nos vies, ces 5 petites années là nous ont bousculés, chahutés, émerveillés, ce 5 années ne laissent pas de nous combler, tant chaque journée qui passe porte son lot d'attendrissement et de fous rire, de fierté et d'amour. Comme tes aînés, tu as marqué profondément de ton empreinte notre famille. Comme tes aînés, tu as trouvé ta place, imposant tes particularités du haut d'un caractère déjà bien affirmé. Si semblable à eux et pourtant si différent, si singulier. Unique. Il y a 5 ans, ta naissance a balayé tous nos doutes, et dès lors chacun de tes jours de vie nous le confirme, tu es notre évidence, l'enfant venu, telle la dernière pièce du puzzle, compléter le tableau d'une famille qui se construit jour après jour. Huit mois plus tard, rien n'a changé. Les mots me manquent toujours autant pour décrire ce qui nous unit. Mon coeur de mère est comblé.

# La maladie a balayé nos vies, nos routines, nos habitudes. La vie a repris le dessus. Cahin caha. Poussière et désordre sont trop souvent notre quotidien, et il me vient des envies de vide, de vent, de tempête même, pour balayer loin de nous ce fatras qui nous entrave. Je vis dans les écuries d'Augias, et l'énergie me manque pour y mettre fin.

# J'ai des rêves. Je les garde souvent pour moi. Les énoncer, c'est leur donner une consistance qui fait surgir inopinément leur irréalité, les impossibilités qui les frappent. Et puis ce sont mes rêves, à moi. Mes espérances. Pas toujours partagées, ni partageables. Ainsi va la vie. Je ne renonce pas. Je pourrais rétrécir mes rêves, les atrophier jusqu'à ce qu'ils tiennent au creux de mes mains, dans ma réalité. Je m'y refuse et les laisse s'envoler. Mes rêves peuplent mes nuits en attendant des jours meilleurs.

# Ma machine à coudre prend la poussière. Non que l'envie me manque. Je me réveille souvent au coeur de la nuit, avec en tête une idée, une envie. Je vois précisément le tissu, la forme, la destination. Mentalement, je donne des coups de ciseaux audacieux et précis, et glisse habilement l'ouvrage sous le pied presseur. Au matin... adieu coussins, rideaux, sacs, et autres bidouillettes à coudre. Si je ne viens pas à bout du repassage, si la pile de courrier urgent a disparu sous celle du très urgent, elle-même noyée sur les avis de passage du facteur, qui me somment d'aller chercher les recommandés agacés des services de l'eau ou de l'électricité, parce que quand même, il faudrait voir à payer les factures (oui, mais, elle est où, déjà, la facture ? Dans quelle strate ?), si je ne pense à ouvrir la boite aux lettres que lorsqu'elle déborde, si pour aller de la porte d'entrée à celle de la cuisine j'enjambe les chaussures qui désespérément s'obstinent à ne pas vouloir se ranger seules, et en paires, dans le bac qui leur est destiné, si j'ai perdu le souvenir de la vraie couleur du sol, si j'ai un vague souvenir de ce à quoi peut ressembler une chambre à peu près rangée (la mienne y compris, encombrée qu'elle est de magazines dont je n'ai lu que trois pages, de livres dont je ne sais plus lesquels j'ai commencé, de vêtements trop petits ou trop grands, mais le plus souvent trop petits) sans jouets abandonnés et vêtements à laver qui jonchent le sol, si jour après jour l'arrière-cuisine perd sa destination pour devenir l'habitats des rongeurs, et que finalement je laisse glisser, alors comment et pourquoi trouverais-je le temps et l'énergie de coudre ?

fleurs_483ca9

# Mais la maison est secouée des éclats de rire des enfants. Ce qui n'a pas de prix. Les couettes et oreillers ont pris place sur les canapés, pour des soirées télé partagées. Ce n'est pas très esthétique, mais c'est confortable et réconfortant. Une bulle de douceur, même pour regarder les sanguinolentes tribulations de Dexter (non, pas l'adolescent du labo persécuté par sa criarde soeur, le tueur en série qui fait l'unanimité chez nous).

# Je veux croire qu'un jour le printemps viendra. Le vrai, celui avec des fleurs et des envies de fenêtres ouvertes. Pas seulement le soleil, qui pointe aujourd'hui quelques maigres rayons, mais la chaleur censée aller avec. J'ai décidé que cette année verra le retour des fleurs à nos fenêtres. J'ai des envies de couleurs, de lumière, de gaieté. Je veux des feuillages légers, des pétales qui bougent au moindre souffle, du vert tendre, du rose, du rouge, du blanc. Et que l'été nous apporte le réconfort dont nous a privé cet interminable automne-hiver-gris-triste-et-sale.

# Depuis longtemps Chat-Mallow n'est plus, mais Booster, le mal-en-point, le toujours un peu pelé, couvert de cicatrices et de griffures fraîches, vient chaque jour chercher sa ration de caresses, glissant si besoin son museau sous nos mains. Inlassablement, il fait fi des rebuffades des uns, de l'indifférence d'un autre, et vient offrir son indéfectible affection à ceux qui veulent bien la recevoir. Oscar lui confie ses chagrins et s'émerveille de le voir courir après un ruban. Les chiennes vieillissent tranquillement, et s'installent volontiers dans un coin de la cuisine. Et si quelqu'un pense à la nourrir, peut-être la poule survivra-t-elle jusqu'à l'été.

# Ai-je raison d'espérer ? Les épreuves ne nous ont pas été épargnées, et ne nous ont pas épargnés. Mais la vie a toujours été la plus forte, qui nous pousse en avant, nous force à poser un pied devant l'autre, et à avancer. Encore. Je pense aux cartes de mon amie Agnès. J'ai décidé d'y croire.

fleurs et soleil

# Je ne suis pas bien sure que tout le monde soit arrivé jusque là en ayant tout lu, c'était un très long billet, pour rattraper de longs mois de silence, et encore tout n'est-il pas dit. Mais qu'importe. Tant mieux, même, peut-être. Ce qu'il me fallait, c'est écrire, pas être lue. 

# EDIT 
J'ai une famille, un mari, des enfants. J'ai des amis, aussi. Des personnes que j'aime et qui m'acceptent telle que je suis. Ou telle qu'ils me perçoivent. Qu'importe, ce qui compte, c'est l'amour, l'amitié qu'ils me portent. J'ai en tête l'image d'un caléidoscope. On le tourne un peu, et l'image change. J'aime assez cette idée. Ils ne sont pas si nombreux. Je bavarde beaucoup, j'ai le contact facile. Mais les amis réels, ce sont ceux qui me connaissent, et qui m'aiment malgré cela. Ceux qui savent qui je suis, en prennent, en laissent. Et m'aident à cheminer. Si certaines sont loin, Internet est mon ami, qui me permet de ne pas les perdre, et nous offre cette chance de communiquer presque journellement. Quand l'occasion s'en présente, nous nous retrouvons, avec toujours cette sensation étrange de reprendre un dialogue interrompu le matin même. Au chapitre des fantasmes, j'invoque les transplaneurs d'Harry Potter. Hop, en Autriche. Hop, à Lisbonne (une cousine peut aussi être une excellente amie). Hop, à Québec, à Avignon (ça marche avec les soeurs, non ?). Hop, en Bretagne, dans le Nord, en Alsace, dans le Sud, au bord de l'Océan. Hop hop hop. 
D'autres sont tout près. Et c'est bien, aussi, de se poser devant un thé, ou un Porto branco. De discuter à bâton rompu. 
Je ne suis pas seule, je ne me sens pas seule. 

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Commentaires
C
j'ai lu aussi..jusqu'au bout...et je t'envoie plein de chaudoudous...<br /> <br /> la vie nous secoue.;heureusement qu'il y a l'amour
8
je t'ai lue avec émotion, toujours cette sensibilité à fleur de peau, tantôt triste, tantôt gaie, mis plein de chaleur et d'amour<br /> <br /> la vie n'est pas toujours facile à vivre, mais tu en parles si bien.<br /> <br /> je t'embrasse
B
J'ai lu jusqu'au bout tes beaux mots profonds qui m'ont émue, toutes ces belles phrases qui transpirent d'amour, je te sens si fragile et si forte à la fois, tu as toujours l'espoir, cet espoir qui est à votre porte. Courage, le printemps arrive et des jours meilleurs. Je t'embrasse
B
Quel beau texte ! dans ou autour de chaque phrase, aussi émouvante ou grave soit-elle, de l'amour se faufile en volutes , tel un lierre léger mais solidement arrimé...<br /> <br /> <br /> <br /> même si je n'ose pas...(N'étant plus très proche, j'en deviens timide....) Je t'envois des bises <br /> <br /> Barbamama
T
<3 <3 c'est beau de pouvoir mettre à plat et d'une si jolie façon ... courage
La Vie à 6
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